L'Instrumentarium

Tout comme l'artisan chérie ses outils, l'artiste aime ses instruments de musique. Il les connait et reconnaît à leur texture, couleur et son.

Les Instruments de Musique de la Troupe

A partir du XIIe siècle, les instruments se développent avec une étonnante richesse de timbres et de formes. Troubadours et Trouvères font connaissance avec les instruments des Orientaux et introduisent en Europe ceux qui y étaient inconnus (luth, rebec, vièle, vielle à roue, nacaires…).

Des ménestrels commencent à s’adonner exclusivement à l’art instrumental et font appel à de nouvelles sonorités. On distingue alors les “hauts” instruments, c’est-à-dire très sonores, pour le plein air (chalemie, cor, trompette, cornemuse, tambour…), des “bas” instruments (harpes, luth, vièle, flûtes…) dévolus à l’accompagnement du chant et des récits. 

L’instrumentarium médiéval n’a pas été conservé, mais, combinée aux témoignages iconographiques (miniatures, sculptures…), aux romans et aux chroniques, l’archéologie musicale livre des vestiges d'instruments et éclaire la recherche. Dans leur enluminure, les trompettes des ménestrels sonnent en silence l’écho des fêtes princières. Et les cansos des adeptes de la fin’amor continuent de chanter à l’oreille des amants.

“Avec Caminaïre, nous nous inspirons de tous ces instruments afin de se rapprocher au mieux de ce que pouvait être la musique au Moyen- ge, mais il est compliqué d’utiliser des instruments complétements historiques car il sont parfois difficiles à trouver, et sont aussi très capricieux: par exemple, l’humidité ou de fortes chaleurs influent beaucoup sur des cordes en boyaux, une anche ou sur une peau animale, rendant parfois l’instrument injouable.Nous utilisons donc certains instruments avec des matériaux plus stables pour pouvoir jouer notre musique à tout moment, et animer les fêtes en continu !”

“Faisons donc un tour des instruments que nous utilisons et dont nous nous inspirons.

La Grande Famille des Luths

“Nous jouons beaucoup de chansons à textes, et pour accompagner les voix, nous utilisons un instrument à cordes: le bouzouki.  Le bouzouki n’est pas un instrument médiéval, mais il s’apparente au cistre, qui lui-même descend de la citole. On peut donc parler de la grande famille des luths.”

“Luth” est un terme assez large désignant les instruments possédant une caisse de résonance prolongée par un manche sur lequel plusieurs cordes sont tendues et pincées. La caisse est d’abord arrondie, en forme de demi-poire, puis devient plate plus tardivement. De même, on trouve d’abord des instruments avec trois ou quatres cordes simples, alors que par la suite ces cordes peuvent être doublées, portant leur nombre à six ou huit.
Voici quelques exemples:

La guiterne, issue de l'instrument arabe désigné comme “Qitarra”. Elle apparaît dans l'iconographie occidentale au XIIIe siècle et a l'aspect d'un petit luth creusé dans un bloc en bois.La guiterne est un instrument populaire durant le XIVe siècle, elle est notamment mentionnée par Guillaume de Machaut dans La prise d'Alexandrie: “Leüs, moraches et guiternes / Dont on joue dans les tavernes”.

Le oud, qui est le nom du luth dans le monde musulman actuel ou passé. Le luth du XIVe siècle devait beaucoup ressembler à cet instrument encore très populaire au Maghreb et au Moyen-Orient. Les cordes sont pincées par un  long plectre : on utilisait traditionnellement une plume taillée ou une lamelle de corne. Le oud serait apparu en basse Mésopotamie au IXe siècle, mais la forme actuelle a probablement vu le jour en Andalousie, sous l'occupation musulmane de l'Espagne, entre le VIIIe et le XVe siècle.

Les Flûtes

“Nous utilisons des flûtes pour jouer les mélodies et improviser lors de passages instrumentaux. Cet instrument peut être puissant quand il est joué dans son registre aigü, mais il se range tout de même dans les bas-instruments, ne faisant pas le poids contre un régiment de tambours et de cornemuses ! “

L’origine de la flûte remonte à la Préhistoire. En os ou cornes percées, l’instrument ne produisait au départ qu’une seule note, tel un sifflet, on peut déjà parler de flûte. Pendant longtemps, des matières préalablement creuses tels que le sureau, roseau, os, ou corne étaient utilisés pour réaliser des flûtes. Ce n'est probablement qu'à partir du XIVe siècle que l'on a pu tourner et surtout percer régulièrement des pièces en bois de façon cylindrique. A partir de ce moment, nous pouvons considérer la flûte à bec telle qu’elle est perçue aujourd’hui.

Il était commun de retrouver des flûtes à 3 trous, ce qui permet au musicien d’avoir une main de libre et battre le rythme sur une percussion. L’héritage de cette pratique est présent dans la musique provençale avec le tambourin et le galoubet. L’ancêtre de la flûte traversière, appelé notamment “fifre”, se joue horizontalement et est plus simple à réaliser dans sa conception que la flûte à bec.

L’iconographie montre également des modèles de flûtes “double”, faites de deux cylindres reliés à un même bec, permettant de jouer des harmonies. A partir du XVe siècle, les règles de définition de la flûte se normalisent et, sans doute du fait du progrès dans la technique de tournage du bois, des modèles de grande taille peuvent être fabriqués.

Les Instruments à Vent

"Au Moyen-Âge, on retrouve beaucoup d’instruments à anches. Étant de hauts-instruments, ils sont généralement plus puissants que les flûtes, et utilisés lors des festivités, des défilés ou même sur les champs de bataille ! Avec Caminaïre, nous utilisons la Tarota, instrument Catalan qui s’inspire de la Chalémie, mais aussi la Cornemuse ou encore le Graille.”

Les Instruments à Anches

L’anche est l’élément qui produit le son: il s’agit d’une lamelle en bois ou en roseau qui vibre avec l’air soufflé par le musicien. Elle peut être simple ou double. L’anche simple est composé d’une seule lamelle, taillée à même l’instrument ou bien rajoutée sur son embouchure, alors que l’anche double est faite de deux lamelles collées l’une à l’autre, qu’on fixe à l’extrémité de l’instrument où le musicien vient placer sa bouche.L’anche simple émet un son plus doux que l’anche double.

Les instruments à anches remontent à l’Antiquité avec ”l’Aulos” chez les Grecs et le “Tibia” chez les Romains. Ces instruments étaient déjà à anche simple ou double, parfois très élaborés.Mais dès le Ve siècle, ils disparaissent peu à peu avec l’arrivée du christianisme, et on revient à des instruments plus rudimentaires à anche simple. Émerge alors la famille des “muses”.

Pendant environ six siècles, il n’y a plus d’instruments à anches doubles, mais ces derniers refont surface autour du XIe ou XIIe siècle, et ils sont omniprésents pendant le XIIIe siècle. A cette période, la forme de ces instruments évolue et se diversifie: l’anche est parfois enfermée dans une poche, comme une vessie ou une panse, ou dans un morceau de corne. Puis la poche s’agrandit et donne naissance au premières cornemuses, où vient s’ajouter un sac en cuir autour, rendant l’instrument moins fragile.

Il existe une grande quantité d’instruments à anche dans de nombreuses régions différentes, en Europe mais aussi au Moyen-Orient ou en Afrique. Parmi tous ces instruments, on peut citer le chalumeau, la vesse, la chalémie, l’alboka, le duduk et bien d’autres encore.

La Cornemuse

Il est bien hasardeux de retracer l'histoire de la cornemuse !  Certains la font remonter à l'Antiquité et il est certain que la technique permettant de fabriquer une chevrette était accessible dès ces temps anciens.

Mais l'iconographie ne montre des représentations fiables de cornemuse qu'à partir de la fin du XIIe siècle. Il semble que l'on ait alors songé à supprimer l'exténuant exercice de la respiration circulaire en plaçant la muse à l'extrémité d'une réserve d'air retenue dans une poche étanche. Celle-ci fut d'abord faite d'une vessie animale, puis rapidement remplacée par une peau animale complète formant une outre.

Par la suite, le sac en cuir fut cousu, prenant des formes plus favorables au jeu. Pour tous ces instruments, le son était produit par une anche simple. Souvent, dans un souci de puissance sonore, l'instrument était doublé: les deux tuyaux de jeu émettent les mêmes notes.“Cornemuse” est un terme générique qui regroupe tous les instruments possédant les caractéristiques nommées ci-dessus: il en existe donc une infinité, toutes variant légèrement de formes, de matériaux et de provenance.

“Ha ! Que d’instruments mélodiques nous venons de citer ! Mais vous vous doutez bien que la liste ne s’arrête pas là. Car pour danser et festoyer, on ne peut se passer… des percussions !Avec Caminaïre, nous utilisons diverses percussions selon le besoin ou le moment: tambours, derbouka, tambourins, clochettes et autres accessoires, nous nous inspirons du Moyen-âge occidental mais aussi du Moyen-Orient, région riche en instruments et en rythmes.La diversité est la plus belle des richesses !”

Les Tambours

Il existe diverses formes de tambours, qui varient selon les époques et les régions, comme tous les instruments. Cependant il est facile de déterminer deux grandes familles: les “tambours sur cadre” et “les tambours sur fût”.

Les tambours sur cadres sont faits d’un cadre en bois, rond ou carré, et d’une peau tendue dessus. Certains possèdent des cordes contre la peau, créant un timbre, ou encore des cymbalettes sur le pourtour du cadre, et il peuvent être de taille variable, joués à la main ou avec une baguette.

Il y a très peu de représentations iconographiques de ces percussions, et il est difficile d’en déterminer l’origine, l’usage des percussions remontant à la nuit des temps dans toutes les civilisations. Mais il est possible de penser que les tambours sur cadres utilisés en Europe sont venus du Moyen-Orient et d’Afrique.On sait qu’ils étaient beaucoup utilisés par les jongleurs au Moyen-Âge pour accompagner les chants et danses populaires, lors des festivités, mais qu’ils étaient sûrement moins présents lors des cérémonies ou des cultes religieux.

Le tambour à deux peaux tendues de chaque côté d'un fût se retrouve dans beaucoup de traditions. Son histoire est liée à son usage militaire dans les batailles où résonnaient les “tabors” dès l’époque de Charlemagne. Les petits modèles apparaissant tout au long de la période médiévale étaient chantournés dans un bloc de bois.

Au XIVe siècle, des modèles de plus grande taille apparaissent. Ils sont permis par la maîtrise de technologies permettant de courber le bois. Certains modèles ont un large diamètre. Ainsi un des anges musiciens de la tapisserie de l'Apocalypse (Angers) frappe un tambour ressemblant fortement au dohol iranien. Ils annoncent de véritables "grosses caisses" qui apparaissent au XVe s. Les “grosses caisses” semblent complètement ignorées par l'iconographie, si ce n'est une fresque du XVe siècle.

Darbouka

La darbouka est une percussion à peau jouée avec les mains. Son nom, sa forme et les matériaux utilisés diffèrent en fonction des régions. Généralement, le fût a la forme d’un vase étranglé en son milieu. Une peau est tendue sur un des côtés tandis que l’autre reste ouvert.Elle est faite en terre cuite ou en bois, avec une peau animale (chèvre, veau ou poisson).

De nombreux éléments iconographiques témoignent de l'existence d'ancêtres de cet instrument dans l'Égypte antique, dès le Moyen Empire (IIe millénaire), ainsi qu'à Babylone – avec des « tambours à gobelet », aux alentours de 1100 avant J.-C. – et même dans les cultures sumériennes.

On retrouve la darbouka en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et dans les Balkans. Elle a pu arriver jusqu’en Europe centrale grâce aux troubadours et jongleurs ayant voyagé dans ces régions.

Les seuls sources iconographiques de cet instrument dans l’Europe médiévale nous viennent des “Cantiga de Santa Maria”. La darbouka est utilisée à la fois dans les musiques savantes et populaires, et sa diversité de sons offre de multiples possibilités de jeu.

Qraqeb

Les Qraqeb se jouent par paire, une dans chaque main, c’est un instrument percussif. Chaque qraqeb est composée de deux parties en bois ou en métal reliées par un anneau, que l’on vient frapper l’une contre l’autre, à la manière de castagnettes.C’est un instrument originaire d’Afrique, souvent joué par plusieurs musiciens. Il sert principalement à accompagner d’autres instruments. Il est difficile de savoir depuis quand elles sont utilisées, mais on en retrouve sur certaines enluminures pendant le Moyen-Âge.

Les Sagattes

Les sagattes sont de petites cymbales en métal, proche des qraqeb car elles se jouent par paire. Elles sont fixées aux pouces et aux majeurs et sont jouées comme des castagnettes, en les frappant l’une contre l’autre.On les trouve principalement en Afrique du Nord, où elles sont souvent jouées par les danseuses, étroitement liées à la derbouka.

Les Percussions

“Nous vous avons parlé des principales percussions, mais un jongleur ou un ménestrel a toujours quelques bruyants accessoires avec lui, pouvant même se ranger dans l’escarcelle pour certains !”

Au Moyen-âge, on retrouve tout un tas de petits instruments percussifs:

Les cloches, pouvant être jouées seules pour accompagner une mélodie, ou assemblées sur un support pour former un carillon. Ce dernier pouvait aussi avoir un rôle pédagogique. En dehors de l’usage musical, c’était aussi, tout simplement, un objet servant de signal sonore.

Les cymbales, comme on les connaît aujourd’hui, remontent à l’Antiquité, et étaient beaucoup utilisées, comme en témoignent de nombreuses enluminures. Il s’agit de deux disques en métal bombés en leur centre que l’on vient frapper l’un contre l’autre, et qui pouvaient atteindre de grandes dimensions. Le triangle apparaît dans l’iconographie à partir du XIVe siècle.

Les grelots, petites sphères de métal contenant une bille de métal les faisant tinter, sont d’abord des objets que l’on accroche aux animaux domestiques. Ils servent aussi aux bouffons et aux fous, qui les cousent à leurs vêtements, mais certaines représentations montrent clairement son utilisation comme instrument de musique, en les attachant aux chevilles par exemple, ou au bout d’un bâton.

Enfin, l’iconographie montre aussi des personnages frappant des mains pour accompagner la musique. Voilà un instrument que nous possédons tous par nature !

“Enfin, nous aimerions vous parlez d’un petit instrument que nous aimons jouer à tout moment, pendant que nous marchons ou pour amuser les copains autour du feu de camp.”

La Guimbarde

Un petit instrument bien pratique qui peut accompagner partout son propriétaire. Les chevaliers l'appréciaient, parait-il, car ils pouvaient en jouer tout en restant à cheval.Cependant, le nom apparaît tardivement (XVIIe siècle): d'autres désignations sont plus anciennes : trompe, trumpel…

La guimbarde est sans doute apparue en Asie pendant l'Antiquité.On a longtemps pensé que des guimbardes en bronze trouvées dans la région rouennaise en 1868 remontaient au Ve ou VIe siècle. Les archéologues en doutent aujourd'hui, estimant que ces fouilles furent trop peu rigoureuses.

Les vestiges les plus anciens actuellement connus ne semblent pas remonter avant le XIIe siècle. Au XVIe siècle, vestiges archéologiques comme représentations iconographiques semblent témoigner d'un instrument courant.On trouve aussi des guimbardes en bois, plus fragiles et moins sonores.

Nos Sources

Nous ne sommes point historiens ou archéologues, et nous avons donc collecté certaines de ces informations sur le site de l’association “APEMUTAM”, qui regorge d’éléments très intéressants. Si vous souhaitez en savoir plus sur les instruments médiévaux, nous vous invitons à vous rendre sur leur site.

“Depuis toujours nous sommes amoureux de la musique et du moyen-âge, nous associons nos deux passions afin de les vivre et de les faire vivre. À travers des mélodies centenaires interprétées de façon bien singulière, nous apportons liesse dans les villages et les cœurs !”